Réforme des visites médicales

La loi n°2011-867 du 20 juillet 2011 relative à l’organisation de la médecine du travail a modifié les règles applicables aux visites médicales des salariés. Les décrets n°2012-135 et 2012-137 visent à mettre en œuvre ces nouvelles dispositions applicables au 1er juillet 2012.

I. Visites d’embauche

Principe : Article de référence : C. trav., art. R .4624-11

Cette visite demeure toujours obligatoire, y compris pour les salariés recrutés en contrat à durée déterminée. Elle doit intervenir avant l’embauche ou, au plus tard, avant l’expiration de la période d’essai.

S’agissant des salariés bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée (C.trav., art. R.4624-18 : travailleurs âgés de moins de 18 ans, femmes enceintes, travailleurs handicapés, salariés exposés à l’amiante, aux rayonnements ionisants, au risque hyperbare, au plomb…), cette visite doit nécessairement intervenir avant l’embauche.

Finalités : Article de référence : C. trav., art. R .4624-11

Avant la réforme, la visite d’embauche avait pour finalité essentielle de :

  • s’assurer que le salarié est médicalement apte au poste de travail auquel l’employeur envisage de l’affecter ;
  • proposer éventuellement les adaptations du poste ou l’affectation à d’autres postes ;
  • rechercher si le salarié n’est pas atteint d’une affection dangereuse pour les autres travailleurs.

Dorénavant, cette visite aura également pour objet :

  • d’informer le salarié sur les risques des expositions subies au poste de travail et le suivi médical nécessaire (cf. info memo Prévention de la pénibilité et Fiche de prévention) ;
  • de sensibiliser le salarié sur les moyens de prévention à mettre en œuvre.

Exceptions : Articles de référence : C. trav., art. R .4624-12 et R.4624-13

Sauf si le médecin du travail l’estime nécessaire ou lorsque le salarié en fait la demande, la visite d’embauche n’est pas obligatoire lorsque les conditions suivantes sont réunies (les nouvelles dispositions sont ici soulignées) :

  • le salarié est amené à occuper un emploi identique présentant les mêmes risques d’exposition
  • le médecin du travail intéressé est en possession de la fiche d’aptitude établie en application des dispositions de l’article R. 4624-47
  • et aucune inaptitude n’a été reconnue lors du dernier examen médical intervenu au cours :
    • soit des 24 mois précédents lorsque le salarié est à nouveau embauché par le même employeur (délai précédent la réforme : 12 mois)
    • soit des 12 derniers mois lorsque le salarié change d’entreprise (délai précédent la réforme : 6 mois).

Cette dispense ne peut s’appliquer aux salariés bénéficiant d’une surveillance particulière liée à leur profession (V. C.trav., art. L.4111-6, 3°) ainsi qu’aux salariés bénéficiant d’une surveillance médicale renforcée.

En cas de pluralité d’employeurs, 1 seul examen d’embauche est actuellement nécessaire si ces employeurs ont conclu un accord entre eux prévoyant les modalités de répartition de la charge financière de la surveillance médicale. Il en sera de même dorénavant dès lors qu’ils seront couverts par un accord collectif de branche prévoyant ces modalités.

Pour l’embauche de travailleurs saisonniers, un examen médical ne sera désormais obligatoire que s’ils sont recrutés pour une durée au moins égale à 45 jours de travail effectif, à moins que l’emploi soit équivalent à ceux précédemment occupés. Cette dérogation suppose qu’aucune inaptitude n’ait été reconnue lors d’un examen datant de moins de 2 ans.

Les travailleurs saisonniers embauchés pour moins de 45 jours devront bénéficier des actions de formation et de prévention organisées par le service de santé et sur lesquelles le CHSCT devra être consulté (C. trav. art. D. 4625-22 nouveau).

II. Visites périodiques

Principe : Article de référence : C. trav., art. R .4624-16 et R.4624-17, R.4624-19

Comme auparavant, la durée maximale entre chaque visite médicale périodique est de 24 mois.

Indépendamment de la visite périodique, il convient de rappeler que le salarié, à sa demande ou à celle de l’employeur peut bénéficier d’un examen. La demande du salarié ne saurait donner lieu à sanction.

Finalité : Article de référence : C. trav., art. R .4624-16

Une finalité demeure : les examens médicaux périodiques visent à s’assurer du maintien de l’aptitude médicale du salarié au poste de travail occupé.

Une finalité naît : les examens médicaux périodiques doivent permettre d’informer le salarié sur les conséquences médicales des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire.

Exceptions : Articles de référence : C. trav., R .4624-16 et R .4624-18

L’agrément du service de santé au travail peut prévoir une périodicité excédant 24 mois si :

  • un suivi adéquat de la santé du salarié est assuré
  • des entretiens infirmiers et des actions pluridisciplinaires annuelles ont été mises en place en tenant compte, si elles existent, des bonnes pratiques existantes.

La périodicité des examens reste fixée à 24 mois pour les salariés soumis à une surveillance renforcée. Le médecin du travail est juge des modalités de cette surveillance, celle-ci devant comporter au moins un ou des examens médicaux selon une périodicité ne pouvant dépasser 24 mois.

III. Visites de préreprise

Principe : Articles de référence : C. trav., art. R .4624-20 et R .4624-21

Actuellement facultatif, cet examen médical organisé à l’initiative du salarié, du médecin traitant ou du médecin conseil des organismes de sécurité sociale est effectué lorsqu’une modification de l’aptitude au travail est prévisible afin de préparer les conditions de la reprise du salarié ou de formation envisageable.Le décret du 30 janvier 2012 a précisé les conditions d’organisation de cette visite de préreprise et ses conséquences :

  • Elle doit être organisée sur demande lorsque l’arrêt de travail a une durée supérieure à 3 mois. Jusqu’ici, le bénéfice de la visite de préreprise était réservé aux salariés dont l’inaptitude physique, partielle ou totale, était prévisible. Cette condition de durée de l’arrêt de travail désormais s’y substitue. Le salarié conserve la possibilité de solliciter, à tout moment (C. trav. art. R.4623-1), une visite avec le médecin du travail, y compris lorsque son arrêt de travail a une durée inférieure à 3 mois. Mais il ne s’agira pas d’une visite de préreprise emportant les conséquences liées à cet examen spécifique.
  • Dès la visite de préreprise, le médecin du travail peut recommander des aménagements et adaptations du poste de travail, des préconisations de reclassement, des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle. Sauf opposition du salarié, il transmet ces recommandations à l’employeur et au médecin-conseil de la caisse d’assurance maladie, afin de favoriser le maintien dans l’emploi de l’intéressé.
  • Cette visite de préreprise ne se substitue pas à la visite de reprise obligatoire. Toutefois, les suites données par l’employeur aux propositions formulées par le médecin du travail seront examinées dans le cadre de la visite de reprise. Le fait que le salarié ait bénéficié d’une visite de préreprise peut simplifier la procédure de constatation de l’inaptitude.

Désormais, l’avis d’inaptitude peut être délivré en 1 seul examen au lieu de 2 lorsqu’un examen de préreprise a eu lieu moins de 30 jours avant la date envisagée du 2ème examen de reprise.A ce titre, il s’agit d’une 2ème exception au principe fixé à l’article R.4624-31 C. trav., selon lequel le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail qu’après 2 examens médicaux espacés de 2 semaines (la 1ère exception est relative à la situation dans laquelle le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat). Le décret traduit ainsi la volonté du législateur d’anticiper le reclassement du salarié le plus tôt possible.

Finalités : Article de référence : C. trav., art. R .4624-20

La visite de préreprise vise à assurer le maintien dans l’emploi du salarié ayant bénéficié d’un arrêt de travail d’une durée supérieure à 3 mois.La visite, dont l’employeur ne peut pas prendre l’initiative, est organisée à la demande du salarié, de son médecin traitant ou du médecin-conseil de la caisse d’assurance maladie. La rédaction précédente des textes laissait à l’appréciation du médecin du travail saisi d’une telle demande la décision d’organiser l’examen médical.

A compter du 1er juillet 2012, cela ne sera plus le cas.Dès lors qu’une visite de préreprise sera demandée, le salarié devra en bénéficier.

IV. Visites de reprise

Principe : Articles de référence : C. trav., art. R .4624-22

L’aptitude du salarié à son poste de travail doit être appréciée par le médecin du travail tout au long de la vie professionnelle du salarié. Une fois l’arrêt de travail du salarié terminé, l’intéressé réintègre normalement son poste de travail. Dans certains cas, ce retour dans l’entreprise est subordonné à une visite médicale de reprise laquelle met seule fin à la suspension du contrat de travail (Cass.soc., 16 septembre 2009).

Actuellement, l’examen en vue de contrôler l’aptitude à la reprise du travail du salarié est obligatoire pour toute absence :

  • d’au moins 21 jours lorsque l’arrêt de travail a une origine non professionnelle,
  • d’au moins 8 jours lorsque l’arrêt de travail résulte d’un accident du travail,
  • liée à un congé maternité ou absences répétées pour raisons de santé

La jurisprudence ajoute une cause supplémentaire : la connaissance par l’employeur du classement en invalidité de son salarié (Cass.soc., 25 janvier 2011). Dans cette hypothèse, l’employeur doit organiser sans délai la visite de reprise sous peine de se voir condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice subi par le salarié du fait du retard dans l’organisation des visites de reprise.

A compter du 1er juillet 2012, les délais de 8 et 21 jours sont portés à 30 jours, quelle que soit l’origine de l’arrêt de travail du salarié.

L’obligation de soumettre le salarié absent de manière répétée à une visite de reprise est supprimée. En revanche, le décret maintient l’obligation de la visite de reprise au terme d’un congé de maternité ou d’une absence pour cause de maladie professionnelle, quelle qu’en soit la durée.

Le médecin du travail doit être informé de tout arrêt de travail de moins de 30 jours pour cause d’accident du travail afin, notamment, de pouvoir apprécier l’opportunité d’un examen médical et, avec l’équipe pluridisciplinaire, de préconiser des mesures de prévention des risques professionnels. Dans le silence du décret, cette obligation d’information devrait peser surl’employeur débiteur de l’obligation de veiller à la santé de ses salariés.

Modalités pratiques de la visite

L’employeur doit saisir le médecin du travail dès qu’il a connaissance de la date de la fin de l’arrêt de travail du salarié. L’examen médical a lieu dans les 8 jours qui suivent la reprise du travail par l’intéressé (C. trav., art. R. 4624-23, al. 5 nouveau).

Finalités : Articles de référence : C. trav., art. R .4624-23 et R.4624-24

L’examen de reprise a pour finalités :

  • de permettre au médecin du travail de délivrer l’avis d’aptitude médicale du salarié à reprendre son poste et/ou de préconiser l’aménagement ou l’adaptation de son poste, ou le reclassement du salarié ;
  • d’examiner les propositions d’aménagement, d’adaptation du poste ou de reclassement faite par l’employeur à la suite des préconisations émises par le médecin du travail lors de la visite de préreprise.

Conséquences de la visite de reprise

Déclaration d’inaptitude : Article de référence : C. trav., art. R .4624-31

Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail que s’il a effectué :

  • Une étude du poste occupé
  • Une étude des conditions de travail dans l’entreprise
  • 2 examens médicaux de l’intéressé espacés de 2 semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires

L’avis d’inaptitude peut être délivré en 1 seul examen si :

    • Le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celle des tiers (règle de principe inchangée)

ou

  • Un examen de préreprise (ouvert exclusivement aux salariés en arrêt de travail depuis au moins 3 mois, et dont l’initiative n’incombe pas à l’employeur) a eu lieu dans un délai de 30 jours au plus avant l’examen de reprise.

Contestation de l’avis du médecin du travail : Articles de référence : C. trav., art. R .4624-34 et s.

L’employeur et le salarié peuvent contester l’avis délivré par le médecin du travail en exerçant un recours auprès de l’inspecteur du travail. Auparavant, aucun délai de recours n’était fixé à l’exception des situations dans lesquelles des salariés affectés à des travaux particulièrement dangereux étaient concernés.

A compter du 1er juillet 2012, chacune des parties disposera d’un délai de 2 mois pour contester, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée à l’inspecteur du travail, l’avis du médecin du travail.

Le recours adressé à l’inspecteur du travail dont relève l’entreprise, devra énoncer les motifs de la contestation. Ces voies et délais de recours devront être mentionnés dans l’avis médical d’aptitude ou d’inaptitude.

La décision de l’inspecteur du travail peut elle-même faire l’objet d’un recours hiérarchique devant le ministre chargé du travail dans un délai de 2 mois (C. trav. art. R. 4624-36).

V. Sanctions : C. trav., R .4745-1

Outre les sanctions civiles liées à la réparation du préjudice subi par le salarié, l’employeur qui ne respecte pas les dispositions relatives aux examens médicaux peut être sanctionné pénalement par une contravention de 5ème classe et d’un montant de 1.500 euros au plus (C. pén., art. 131-13).

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Jérôme DANIEL

Avocat Associé

Docteur en droit – Conseil en droit social

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